Extraits de textes que j'ai aimés

« Elle enleva sa jupe. Elle saisit sa main et le fit pivoter en direction d’un grand miroir appuyé contre le mur quelques pas plus loin. Sans lâcher sa main, elle regardait dans ce miroir, posant le même long regard interrogateur tantôt sur elle, tantôt sur lui.

Par terre, au pied du miroir, il y avait une tête postiche coiffée d’un vieux chapeau melon. Elle se pencha pour le prendre et se le planta sur la tête. Aussitôt, l’image changea dans le miroir : on y voyait une femme en sous-vêtements, belle, inaccessible, indifférente, la tête surmontée d’un chapeau melon tout à fait incongru. Elle tenait par la main un monsieur en costume gris et en cravate. »

Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être

« Tu as tort d’être étonné. Considère mieux ton amour. Il serait épouvanté, s’il comprenait un instant que je suis femme, et vivante. Et ce n’est pas en oubliant les sources brûlantes du sang que tu vas les tarir. […] Garde-moi plutôt dans cette cage et nourris-moi à peine, si tu l’oses. Tout ce qui m’approche de la maladie et de la mort me rend fidèle. Et ce n’est qu’aux moments où tu me fais souffrir que je suis sans danger. Il ne fallait pas accepter de m’être un dieu, si les devoirs des dieux te font peur, et chacun sait qu’Ils ne sont pas si tendres. »

Pauline Réage, Histoire d’O

« Je fis un effort pour me dégager et, lorsque j’eus compris que toute tentative serait vaine, ma frousse redevint chose agréable : je me revoyais moi-même gravissant les marches de l’autel, masquée, gantée, à demi-nue, avec la folle envie de subir les conséquences de mon effronterie. Et en effet, ces mains de jeune fille qui m’enfermaient dans leur étau par je ne sais quel pouvoir - celui que je leur attribuais – se mirent à déganter mes propres mains longues et parfaites et les ayant retournées, elles répandirent un onguent sur mes paumes et jusqu’aux pulpes de mes doigts. Mais, voulant me soustraire à leurs brûlantes caresses, je me reculai ; déjà, me dominant de sa haute taille, il se collait contre mon dos et me coinçait entre ses chausses et la table sainte. »

Pierre Klossowski, Les lois de l’hospitalité

« L’éphèbe eut une ruée de taureau : le comte facilita l’entrée du vit. La victime palpita et se débattit : corps à corps d’une incroyable haine.

Les autres regardaient, les lèvres sèches, dépassés par cette frénésie. Les corps que nouait la pine de Pierrot roulaient sur le sol en se débattant. A la fin s’arc-boutant à se briser le valet hors d’haleine gueula, perdant la bave, Marie lui répondit par un spasme de mort. »

Georges Bataille, Le Mort